LOFOFORA

En tournée : oui

K-fet de l’INSA, Villeurbanne mitan des années 90, Lofofora joue ce soir, le public brasse plusieurs générations de rockers, le concert est explosif, les morceaux s’enchainent le groupe est bon, très bon même, le public en transe. Je décide de prendre part à la danse, pogo et stage-diving. Je prends mon envol, le gars sur lequel je vais atterrir me sourit, va-t-il me rattraper ? Son bras se plie, son coude se tend, son sourire s’élargit… l’impact… ma mâchoire semble partir dans un sens et moi dans l’autre… pendant un instant il fait tout noir… agitation autour de moi… Le groupe a cessé de jouer pour intervenir, Reuno se lance dans une tirade pour défendre un autre membre du public subissant, en même temps, le même sort que moi, le concert reprend et se termine dans la fête. Deuxième rencontre quelques mois plus tard, nouveau concert, Reuno vient me voir à la fin du set « Dis donc, tu serais pas le gamin de la k-fet, ça va mieux ta mâchoire ? Allez viens on va aller s’en griller une dehors et causer cinq minutes… » J’associe depuis ce jour ce sentiment à Lofofora, comme pour Fugazi, Black Flag ou Bérurier noir avant eux : être là en spectateur était donc aussi important que d’être sur scène, chaque personne devenait acteur de cette nouvelle scène musicale, il n’y avait donc pas de messe possible sans public. Illustrant directement ce sentiment, leur chanson a tourné en boucle dans nos têtes d’adolescents issus de la génération black-blanc-beur : « tous issus du même moule du même oeuf ! Nous sommes une seule race pour plusieurs couleurs ». Car il ne s’agit pas juste de coucher de belles phrases sur des riffs pour être un groupe de punk, il faut réussir à porter, défendre et diffuser des idées qui seront reprises par d’autres pour essayer de faire avancer le monde, de revendiquer nos différences aussi bien que nos passions communes. Être soi, différents mais ensemble… n’appelait-on pas cette nouvelle musique « fusion » ?